Orange lance l'extinction de son réseau historique en cuivre
Entre 2023
et 2030, l'opérateur arrêtera progressivement les services puis
l'entretien des bonnes vieilles lignes téléphoniques. Un réseau en cuivre dont
l'entretien coûte environ 500 millions d'euros par an à Orange.
Par Sébastien Dumoulin
Publié le 26 déc. 2019
C'est une page d'histoire qui se tourne.
Cinquante ans après avoir maillé l'Hexagone de lignes de
cuivre, Orange s'apprête à envoyer au rebut les bons vieux fils du
téléphone. Stéphane Richard en personne l'a rapidement indiqué en décembre lors
de la présentation de son plan stratégique « Engage
2025 » .
« Nous allons débuter l'extinction
du cuivre, a expliqué le patron de l'ex-opérateur
historique devant les analystes financiers. Cela se fera progressivement. Après une
phase initiale de test, nous allons éteindre le réseau cuivre à partir
de 2023. […] Nous espérons achever cette opération
vers 2030. »
EXCLUSIF France Télécom : Orange exposé à des milliards d'euros
de réparations
L'arrivée rapide de la fibre
Le groupe est prudent. Pas question d'affoler le grand
public, familier de ce réseau historique. 20 millions de foyers français
et d'innombrables entreprises en dépendent pour téléphoner ou accéder à
Internet en ADSL. Il faut faire preuve de pédagogie. « Ce n'est pas la fin du 'fixe'
mais, au contraire, sa modernisation,
insiste Marc Blanchet, le directeur technique de l'opérateur. La fibre remplace le cuivre. On pourra
toujours téléphoner avec le fixe, accéder à Internet, à la télévision… Cela
passera par un réseau en fibre plus puissant, plus fiable et plus
économe. »
Le cuivre s'efface car la fibre arrive. Près de la
moitié des foyers français y a déjà accès. Et les déploiements se font à un
rythme impressionnant : plus de 4 millions de lignes par an,
soit un nouveau foyer relié à la fibre optique toutes les sept secondes.
En 2022, plus de 80 % des Français seront connectés. Plus de
90 % en 2025.
500 millions d'euros de frais
d'entretien
Ce nouveau réseau a certaines caractéristiques du
réseau cuivre. Il couvrira toute la France, parfois dans des canalisations
souterraines, parfois porté par des poteaux électriques. Mais les débits de la
fibre sont cent à mille fois plus élevés que ceux d'une ligne ADSL. La différence
est encore plus marquée dans les zones rurales où les lignes de cuivre entre
les habitations et les centres de raccordement sont très longues et Internet
très lent.
« Le réseau fibre dépensera
trois fois moins d'énergie que le réseau ADSL », ajoute Marc Blanchet. Autre avantage : plus
récent et moins vulnérable à l'humidité, le réseau fibre est plus robuste. Il
reste vulnérable à une coupure intempestive de câble par une pelleteuse ou à
une chute d'arbre sur les fils. Mais « nous visons deux fois moins
de dysfonctionnements que sur le cuivre, a minima », explique Marc Blanchet.
Qualité du réseau cuivre : « Orange reviendra dans les clous »
C'est loin d'être anecdotique. « L'entretien du réseau cuivre
représente environ 500 millions d'euros par an, précise le directeur technique. Ce montant est assez stable, en légère
hausse en valeur absolue. Mais rapporté à la ligne, ce coût augmente de
10 % par an. » A
mesure que le nombre de clients baisse, les revenus diminuent. « A un certain moment, ce n'est
tout simplement plus rentable. Quand on se projette en 2030, c'est une
question de bon sens »,
pointe Marc Blanchet.
Des négociations difficiles
Même si le réseau de cuivre lui appartient, Orange
sait que son extinction se négociera avec le régulateur. « Il ne s'agit pas de
surinvestir puisqu'on est sur un réseau dont la durée de vie est désormais
limitée, a reconnu récemment Guillaume Mellier, responsable du sujet à l'Arcep. Mais il faut néanmoins s'assurer que le
service reste satisfaisant pour les utilisateurs dont c'est le seul
recours. »
Il y a quelques mois une vive polémique a agité le
secteur des télécoms, les concurrents et les élus
accusant Orange de ne pas suffisamment entretenir son réseau .
L'Arcep avait mis en demeure Orange qui avait alors promis
de « revenir dans les clous en 2019 ».
D'autres sujets de discorde émergent avec les autres
opérateurs : le prix du dégroupage, c'est-à-dire le tarif auquel Orange
leur vend l'accès aux lignes de cuivre et qui est régulé par l'Arcep. L'opérateur historique explique qu'il faut le
relever pour empêcher les abonnements ADSL bradés et inciter les clients à
préférer la fibre. Ce qui a été la démarche de l'Arcep
ces dernières années.
« C'est un contresens, répliquait récemment Laurent Laganier,
le directeur de la réglementation de Free. Si vous voulez fermer le cuivre, il
faut qu'Orange ait une incitation économique à le fermer et donc il faut
baisser le prix, pas l'augmenter… » Il
revient au régulateur de trancher ce débat.
Sébastien
Dumoulin