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Nouvelle
ligne ferroviaire Lyon-Turin : où en est on ?
Le tunnelier "Federica" a creusé les 9 premiers kilomètres du futur
tunnel du Mont-Cenis, l'ouvrage principal du
Lyon-Turin. Au total, plus de 18% de la section franco-italienne sont réalisés.
La nouvelle ligne devrait ouvrir "à l'horizon 2030". Les opposants
dénoncent "un gouffre financier".
© JEAN-PIERRE CLATOT / AFP Publié le 23/09/2019
Plus de 18% des travaux réalisés
La section transfrontalière franco-italienne du Lyon-Turin est à 89% souterraine. DeSaint-Jean de Maurienne à Suse. Avec comme ouvrage principal le tunnel du Mont-Cenis.
Ce sera le plus long tunnel ferroviaire au monde, avec deux tubes de 57,5 kilomètres (45 en France, 12 et demi en Italie), plus les galeries de liaison.
Ce tunnel "de plaine" permettra de réduire la consommation d'énergie de 40%.
Les trains rouleront sur un tracé moins pentu et moins sinueux qu'actuellement.
L'ensemble des travaux d'excavation s'étale sur 164 kilomètres au total. Plus de 18% du chantier a été réalisé, soit 29 kilomètres sur 164.
La première section du tunnel est creusée
Côté français, à
Saint-Martin de la Porte en Savoie, le tunnelier Federica
a percé les 9 premiers kilomètres de galerie "de reconnaissance".
Creusée dans l'axe et au diamètre du futur ouvrage, c'est la première section
du "tunnel de base final".
Ce chantier représente un coût de 391 millions
d’euros et celui-ci est financé à 50% par l’Union européenne, à 25% par la
France et à 25% par l’Italie.
Le tunnelier Federica, chargé de réaliser cette galerie, a été conçu afin de faire face aux contraintes géologiques particulières de la zone.
Construit en France, dans les usines de NFM Technologies du Creusot (Saône-et-Loire), il est équipé d'une tête de coupe d'un diamètre de 11,26 mètres et de 76 molettes, avec une puissance développée de 5 mégawatts, soit l'équivalent de huit moteurs de F1.
Sa progression moyenne est de 10 centimètres par minute.
La section transfrontalière du Lyon-Turin coûtera 8,6 milliards d'euros. Financé à 40% par l'Union Européenne, 35% par l'Italie, 25% par la France.
En juillet 2019, environ 2,5 millards avaient déjà été engagés.
La nouvelle ligne ferroviaire (frêt et passagers) Lyon-Turin devrait ouvrir "à l'horizon 2030". Elle parcourt 270 kilomètres au total.
Ce sera "le maillon central du corridor européen" qui reliera 18% de la population européenne, d'Algésiras (près de Gibraltar) à Budapest en Hongrie.
Côté frêt, cette nouvelle liaison ferroviaire a pour objectif de retirer de la route environ un million de poids-lourds par an.
Pour les opposants au Lyon-Turin, le chantier est "un gouffre financier". La Coordination des Opposants au projet dénonce : un coût 10 fois plus cher qu'annoncé (1 milliard et demi d'études et reconnaissances contre 371 millions annoncés), 20 ans de décisions politiques contraires aux recommandations des hautes administrations, un retard de plusieurs dizaines d'années (mise en service prévue en 2012), de fausses prévisions sur la progression du trafic de marchandises.
En avril 2019, de
nombreuses associations de défense de l'environnement (FRAPNA, CIPRA, Amis de
la Terre, Attac, Confédération Paysanne, Changeons d'Ere, Mountain
Wilderness) ont écrit à la Ministre des Transports et
aux candidats à l'élection européenne.
Ils affirment leurs "oppositions à un projet
qui détruit des terres agricoles, qui met en péril les ressources hydrologiques
en drainant les sols ou en tarissant sources et réserves souterraines, qui
assèchent les ressources financières nécessaires aux transports du quotidien
notamment par les doublements de voies ferrées dans la région Auvergne Rhône
Alpes".
Lyon-Turin, c'est « l'EPR du ferroviaire », selon les opposants
Pour les adversaires du projet, la ligne ferroviaire actuelle serait suffisante pour absorber le trafic.
Par Rémi Barroux Publié le 23 septembre 2019 à 15h21
Dossier emblématique, comme pouvait l'être l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, le projet de tunnel ferroviaire destiné à la nouvelle ligne Lyon-Turin n'en présente pas moins d'énormes différences quant aux caractéristiques de son opposition. Ici, dans la vallée de la Maurienne, à Saint-Martin-la-Porte, là où se trouve le chantier de la galerie de reconnaissance dont près de 10 kilomètres sont déjà percés, point de ZAD, nulle zone à défendre qui hébergerait des opposants prêts à en découdre avec les machines et les forces de l'ordre, un scénario toujours prompt à attirer les médias.
Non, rien de tel dans les vallées savoyardes. Les opposants au Lyon-Turin sont pourtant nombreux, à en lire les signatures au bas du communiqué publié, en avril, pour alimenter la campagne des élections européennes : Attac, la Confédération paysanne, SUD-Rail, Les Amis de la Terre, Mountain Wilderness, la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (Frapna, devenue France Nature Environnement), Vivre & agir en Maurienne… et, bien sûr, la coordination des opposants au projet Lyon-Turin.
« Le Lyon-Turin, c'est “l'EPR du ferroviaire” : dix fois plus cher qu'annoncé, dix fois plus long à construire »
Il y a bien eu, du côté italien, de belles démonstrations de force (et quelques affrontements), avec des manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes, au début des années 2000. Point du côté français. « Les principaux opposants à ce projet pharaonique, on les compte d'abord chez les inspecteurs généraux des finances ou des Ponts et Chaussées, qui ont écrit, à plusieurs reprises, et ce depuis vingt ans, que ce tunnel n'était pas finançable, qu'il n'était pas utile, car la ligne ferroviaire actuelle est suffisante pour absorber le trafic, et que les prévisions de ce trafic ainsi que des coûts du chantier étaient fausses », rappelle Daniel Ibanez, économiste, cheville ouvrière de l'opposition et fondateur du Salon du livre des lanceuses et lanceurs d'alerte.
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« Une faillite assurée »
Et de citer les nombreux rapports critiques sur le projet, en particulier ceux de la Cour des comptes ou du Conseil d'orientation des infrastructures. Ce dernier, dans son rapport remis le 1 er février 2018 à celle qui était ministre des transports (devenue, depuis, ministre de la transition écologique et solidaire, et favorable au projet), Elisabeth Borne, sur les « mobilités du quotidien », n'avait inscrit le Lyon-Turin dans aucun des trois scénarios retenus pour les infrastructures à développer. Les rapporteurs ont même écrit, soulignent les opposants, que « les caractéristiques socio-économiques [du projet] apparaissent à ce stade clairement défavorables ».
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« Le Lyon-Turin, c'est “l'EPR du ferroviaire” [en référence au chantier du réacteur de troisième génération, à Flamanville, dans la Manche] : dix fois plus cher qu'annoncé, dix fois plus long à construire. Une fois encore, nous nous trouvons devant un gouvernement qui refuse de voir que c'est une faillite assurée », déclare encore M. Ibanez, rappelant qu'à l'origine, le tunnel devait être en fonctionnement en 2007, puis en 2012.
Une comparaison que ne renie pas Delphine Batho, ex-ministre de l'écologie et députée (non inscrite) des Deux-Sèvres. « Le Lyon-Turin est à l'exact opposé du discours officiel du gouvernement sur la priorité aux transports du quotidien et contre les grands projets consommateurs de fonds publics dont nous avons grand besoin », explique la députée, présidente de Génération Ecologie.
Jusqu'au-boutisme
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Pour elle, l'offensive médiatique et politique des porteurs du projet, qui organisent des visites dans le tunnel de service – qui n'est pas le tunnel principal, puisque les travaux de percement du tunnel transfrontalier ne peuvent pas démarrer officiellement –, est une forme de jusqu'au-boutisme. « Quand j'étais ministre et qu'on voulait me convaincre de l'EPR, on me disait : “On a déjà dépensé 3 milliards d'euros, ce serait bien que cela produise à terme de l'électricité.” Aujourd'hui, cela ne produit toujours pas d'électricité et cela coûte trois fois plus cher ! »
« Neuf kilomètres ont été creusés [sur 115 km, soit deux tubes de 57,5 km] , mais, quand on fait une connerie, on n'est pas obligé d'aller jusqu'au bout, s'emporte Daniel Ibanez. Il faut arrêter de mentir dans ce dossier. Pour bénéficier des fonds européens pour ce chantier et pouvoir faire les travaux, il faut que la disponibilité des fonds de chaque pays soit effective, et ce n'est pas le cas en France. Où est l'argent ? »
Rémi Barroux